Je viens de changer les draps de mon lit et comme à chaque fois, je regarde mon oreiller dénudé de sa taie qui me renvoie 6 ans en arrière. Il est intégralement jauni par les litres de larmes
qu'il a reçu. Et je me demande comme à chaque fois où elles sont passées.
J'ai du mal à me souvenir de cette période où je pensais qu'elles n'arrêteraient jamais de couler, qu'on ne pouvait pas se remettre d'un désespoir pareil, qu'on y laissait forcément des morceaux
de vie, d'amour, d'humour.... Je pensais que mon coeur allait se flétrir, je pensais ne plus jamais rire.
J'ai perdu l'insouciance en perdant l'enfant dont j'avais rêvé pendant 9 mois. Je pensais qu'on ne se relevait pas de ça.
Et puis tout doucement, je suis sortie de mon lit, j'ai extrait ma tête de mon oreiller trempé et j'ai regardé ce qui me restait. Il me restait tout. Rien ne m'avait été enlevé à part mes
rêves.
Et le quotidien est revenu, doucement, sans que je m'en aperçoive. La douleur est restée, elle ne partira peut-être jamais, elle fait partie de moi, mais je l'oublie de plus en plus souvent, au
point d'être surprise des regards des inconnus sur ma fille. J'oublie le handicap, je ne vois que mon enfant.
J'arrête ce billet, trop court, mais c'est l'heure des mamans, et je vais voir El répondre à son prénom appelé par la maîtresse, se précipiter vers moi et me serrer fort en me disant: "Maman, je
t'aime, je suis contente de te voir. Elle est où ma soeur?"
Et la vie continue, pas la vie rêvée, mais peut-être en mieux, va savoir....